C’est le 26 décembre 1595 que la charte du « Franc-Métier des Potiers de Châtelet, Pont-de-Loup et Bouffioulx » fut accordée par le Chapitre de la cathédrale Saint-Lambert de
Liège, seigneurs de trois localités. La date choisie par les chanoines liégeois était symbolique. En effet, elle coïncidait avec la fête de la Saint-Etienne, patron des potiers de leur
seigneurie.
Pourquoi ce choix de saint Etienne ? Qui était-il ?
Il fut l’un des sept premiers diacres choisis pour soulager les apôtres dans l’administration des biens matériels de l’Eglise primitive. Il mourut entre 31 et 36 ans, martyr, lapidé.
C’est vraisemblablement la nature de son martyr qui l’a fait choisir pour patron par les potiers. En effet, d’après une tradition toujours vivace, c’est avec des tessons de poterie que
Saint-Etienne fut lapidé à mort par la foule hostile. Ce martyre est évoqué au fronton de la porte d’entrée de ce qui fut la « Poterie » Guérin à Bouffioulx, aujourd’hui devenue la
Maison de la Poterie.
Le Saint-Etienne était une date très importante pour le Franc-Métier des Potiers de Châtelet-Bouffioulx, qui subsista jusqu’en 1823. Ce jour-là, les maîtres potiers tenaient une assemblée
obligatoire dans leur local, « Au Pot d’Estain » à Châtelet, pour élire les 2 gouverneurs du Métier et pour arrêter les mesures relatives à l’organisation du travail dans les ateliers
de poterie. Bien entendu, cette assemblée était aussi pour les potiers, prétexte à force libations.
Un dîner les réunissait également. Une partie de celui-ci leur était offerte par le Chapitre lors du paiement des redevances qu’ils devaient à celui-ci. Auparavant (au XVIe siècle ), c’était les
serviteurs qui, le jour de la Saint-Etienne, apportaient au mayeur de Châtelet les chapons et autres redevances destinées aux chanoines liègeois ; ils en recevaient à cette occasion des
pièces de monnaies et des sarta virida (sarraus ?).
Bien sûr, le 26 décembre, qui était pour eux une journée bien remplie, tous les membres du Franc-Métier participaient en corps, derrière leur bannière, à la célébration de la fête de
Saint-Etienne, en l’église de Châtelet.
Celle-ci possédait une chapelle dédiée à Saint-Etienne qui bénéficiait de la générosité des potiers. Ainsi, pour être admis maître, un serviteur devait payer, entre autres, 25 florins « à la
fabrique et décoration de la chapelle Saint-Etienne leur patron en l’église de Chastelet ».
Son autel, dont le curé de Bouffioulx était déjà détenteur en 1558, est indiqué comme suit dans des pouillés du concile de Châtelet de la fin du XVIIe siècle.
Dictum altare S. Stephani in ecclesia Castilensi quod est incorporatum rectori hujus ecclesiae de
Boffioul est valoris 12 modiorum. Et sous la rubrique Châtelet : Altare S.Stephani incorporatum vicariae de Bofioul ad 12 m.
Vers 1350, on cite « li maison qui fut del capellerie sain
stevenne ».
En 1454, il est question du « bonnier saint Stenne » dont les
revenus étaient consacrés à l’entretien de l’autel Saint-Etienne.
Ces 2 mentions prouvent pour le moins la grande ancienneté du culte de Saint-Etienne à Châtelet.
L’autel était décoré de « la plus ancienne de toutes les statues » que refermait l’église en 1866. Elle paraissait remonter au XVe siècle.
Le Chapelle, son autel et la statue disparurent lors de la démolition de l’église Saint – Pierre – et – Paul, en 1867. Lorsqu’en 1880, Coraly Pirmez – une cousine de l’écrivain Octave Pirmez –
fit édifier l’église de l’Immaculée Conception, à Châtelet – Faubourg.
Elle fit décorer l’édifice de statues de saints, réalisées par les ateliers Mayer et Compagnie de Munich, dont celle de Saint-Etienne. La chose était bien normale car la plupart des très
nombreuses fabriques de poterie que comptait alors Châtelet étaient concentrées dans cette paroisse.
Les ateliers de poterie ont disparu. La paroisse de Bouffioulx possède sa statue (en plâtre) de Saint-Etienne.
Bien qu’elle ne soit plus guère suivie, une messe est toujours célébrée en l’honneur du saint patron des potiers, en l’église Saint-Géry, à Bouffioulx.
Les archives de la paroisse font état d’une fondation du nom de « Bénéfice Saint-Etienne », c’est-à-dire un capital dont le revenu devait servir à dire des messes au profit des membres
de la confrérie des potiers. Cette fondation était attachée à l’église de Châtelet, mais, lors de l’érection de la paroisse de Bouffioulx, en 1602, la fondation fut transférée à l’Eglise
Saint-Géry.
Signalons que la Poterie Biron a créé dans une ancienne fabrique de poterie de Bouffioulx une taverne avec une salle d’exposition appelée « Au Saint-Etienne » et, bien entendu, décorée
d’une statue du saint.
Depuis 1993, le potier Bernard Dubois fête à nouveau Saint-Etienne le 26 décembre. C’est l’occasion d’agapes conviviales et de la remise en service exceptionnelle d’un four au charbon.